Paris, le 03 novembre 2021 – A l’occasion de la COP26, qui réunit représentants de gouvernements et acteurs non-étatiques (entreprises, investisseurs, ONG…) sur la question des changements climatiques, le Bureau des affaires extérieures des bahá’ís de France est heureux de vous partager cet article d’Arthur Lyon Dahl.
Arthur Lyon Dahl se définit lui-même comme scientifique et bahá’í. Docteur en biologie, spécialisé dans les écosystèmes complexes tel que les récifs coralliens, il a été Sous-Directeur Exécutif Adjoint du Programme des Nations unies pour l’Environnement et possède plus de cinquante années d’expérience en environnement et développement durable, dont 11 passées en Nouvelle-Calédonie comme Ecologiste-conseil régional où il a fondé le Programme régional océanien pour l’environnement. Il préside le Forum International pour l’Environnement, association professionnelle d’inspiration bahá’íe. Il fut un observateur accrédité de la Communauté internationale bahá’íe à la Conférence des Nations-Unies sur l’Environnement Humain à Stockholm (1972) et la Conférence de Paris sur le changement climatique (COP21) en 2015. Il est auteur de nombreuses publications scientifiques et de livres, dont « Unless and Until: A Bahá’í Focus on the Environment », « The Eco Principle: Ecology and Economics in Symbiosis », et « In Pursuit of Hope: A Guide for the Seeker ».
Dans cet article, l’auteur nous donne un bref aperçu de la place accordée à la nature dans la foi bahá’íe, et des raisons pour lesquelles sa foi l’a poussée à se préoccuper des questions d’environnement et d’écologie
Parmi les traditions spirituelles les plus écologiques, la foi bahá’íe tient une bonne place. Les lieux saints bahá’ís et les maisons d’adoration sont entourées de jardins. Les bahá’ís contribuent activement à des conférences internationales sur l’environnement et le développement durable, avec même une association professionnelle d’inspiration bahá’íe dont les membres viennent de 75 pays1. Les Écritures bahá’íes décrivent la nature comme le miroir du sacré. Donc, eu égard à l’interdépendance de tous dans la nature, et de l’importance de l’évolution et la diversité dans la beauté, l’efficacité, et la perfection du tout, aucun effort ne doit être ménagé afin de conserver à la terre sa biodiversité et son ordre naturel2.
Pour le fondateur de la foi bahá’íe, Bahá’u’lláh, La nature est la volonté de Dieu, elle est son expression dans et à travers le monde contingent3, et encore La campagne est le monde de l’âme, la ville est le monde des corps4. Le contact avec la nature nous amène à la spiritualité. Tout homme de discernement marchant sur cette terre se sent décontenancé, car il est pleinement conscient que la source de sa prospérité, de sa richesse, de sa puissance, de sa grandeur, de son avancement et de son pouvoir est le sol même que foulent les pieds de tous les hommes, ainsi que Dieu l’a ordonné. Quiconque connaît cette vérité est sans aucun doute purifié et sanctifié de tout orgueil, arrogance et vanité5.
Cette année, nous commémorons le centenaire de la disparition d’Abdu’l-Bahá, le fils ainé de Bahá’u’lláh qui dirigera la foi bahá’íe de 1892 à 1921, et qui parlera souvent de la spiritualité et la nature. Quand il est venu en France en 1911 après 40 années d’emprisonnement en Palestine, il a beaucoup apprécié les Gorges du Diable derrière Thonon-les-Bains et d’autres sites naturels.
Voici quelques citations qui m’ont beaucoup influencé.
La réalité spirituelle et la nature
Il y a dans l’homme une réalité spirituelle. Cette réalité spirituelle délivre l’homme du monde matériel. Libéré, il trouvera une réalité qui illumine, transcendant la réalité limitée de l’homme et lui permettant d’atteindre l’infinité de Dieu, le soustrayant au monde des superstitions et des imaginations, et le plongeant dans l’océan des rayons du Soleil de Réalité6.
Si… tu considères l’intime essence de toutes choses, et l’individualité de chacune en particulier, tu contempleras les signes de la miséricorde de ton Seigneur dans chaque chose créée, et tu verras les rayons diffus de ses noms et attributs à travers le monde de l’existence…. Tu observeras alors que l’univers est comme un manuscrit dont les intimes secrets, conservés dans la tablette bien gardée, sont mis au jour. Il n’est pas un atome parmi tous les atomes existants, pas une créature parmi les créatures, qui ne célèbre ses louanges, ne déclame ses attributs et ses noms, ne révèle la gloire de sa puissance et ne s’oriente vers son unicité et sa miséricorde…. Chaque fois que tu contempleras la création tout entière et en observeras chaque atome, tu constateras que les rayons du Soleil de Vérité illuminent toutes choses et brillent à l’intérieur de chacune d’elles, célébrant les splendeurs de cette Etoile du matin, ses mystères et le rayonnement de ses lumières. Regarde les arbres, les fleurs et les fruits, et même les pierres. Là aussi, tu contempleras les rayons du soleil, clairement visibles en toutes ces choses, et qu’elles manifestent.7
L’écologie et la nature
‘Abdu’l-Bahá parla souvent de la science et des principes que nous appelons aujourd’hui l’écologie. Par exemple, en 1912 à l’Université de Stanford en Californie, où j’ai fait mes études en écologie, il dit:
Etant donné que le principe fondamental des enseignements de Bahá’u’lláh est l’unicité du monde de l’humanité, je vais vous parler de l’unicité intrinsèque de tous les phénomènes…. Au fond, toutes choses existantes passent à travers les mêmes degrés et phases de développement, et chaque phénomène donné renferme tous les autres.
Les éléments et les organismes inférieurs sont synchronisés dans le grand plan de la vie. Doit l’homme, qui est infiniment plus élevé en degré, être hostile à et un destructeur de cette perfection ?8
Par nature, on entend ces propriétés inhérentes des choses et ces relations nécessaires qui découlent de la réalité des choses. Ces réalités quoiqu’infiniment diverses sont toutefois intimement reliées entre elles.9
Cette Nature est soumise à une organisation absolue, à des lois déterminées, à un ordre complet, et à un plan achevé dont elle ne s’écarte jamais. A tel point que, pour qui examine d’un regard minutieux et d’un oeil acéré, depuis le plus petit atome existant jusqu’aux plus grands corps de l’univers, comme le globe solaire ou les autres astres et corps lumineux, tout, soit au point de vue de l’arrangement ou de la composition, soit sous le rapport de la forme ou du mouvement, est absolument organisé; et tout est sous l’empire d’une loi universelle, dont il n’y a pas moyen de s’écarter.10
…tous ces êtres innombrables qui peuplent le monde, l’homme, l’animal, le végétal, le minéral, quels qu’ils soient… sont liés les uns aux autres comme les anneaux d’une chaîne; et cette assistance, cette influence réciproques sont de l’essence des choses : elles produisent l’existence, la croissance et le développement des créatures.11
Dans le monde physique de la création, toutes les choses mangent et sont mangées à la fois : la plante s’abreuve au minéral, l’animal consomme la plante, l’homme se nourrit de l’animal et le minéral dévore le corps humain. Les corps physiques sont transférés d’une barrière à l’autre, d’une vie à une autre, et tout est soumis aux altérations et aux transformations, tout sauf la Cause de l’existence elle-même – car Il est constant et immuable, et c’est sur Lui que se fonde l’existence de chaque espèce, de chaque réalité contingente à travers la création tout entière.12
…la coopération et la réciprocité sont des propriétés essentielles inhérentes au système unifié du monde de l’existence et sans lesquelles la création tout entière serait réduite au néant.13
La diversité
La diversité dans la nature nous rappelle la riche diversité dans la race humaine, à apprécier et à cultiver.
Considérez le monde des créatures : quelle diversité et quelles variétés dans leurs espèces, bien qu’elles aient une même origine. Toutes les différences visibles sont celles des formes extérieures et des couleurs. Cette diversité dans les types se retrouve partout dans la nature. Regardez… la beauté dans la diversité et l’harmonie, et tirons une leçon du monde végétal. Si vous regardez un jardin dont toutes les plantes présentent la même forme, la même couleur et le même parfum, loin de vous sembler beau, il vous paraîtra plutôt triste et monotone.
Le jardin qui réjouit les yeux et le cœur est celui où poussent côte à côte des fleurs de toutes couleurs, de toutes formes et de tous parfums. C’est cet heureux contraste de couleurs qui en fait le charme et la beauté. Il en est de même pour les arbres. Un verger rempli d’arbres fruitiers est un lieu de délices, de même qu’une plantation d’arbustes de toutes sortes. C’est précisément la diversité et la variété qui en font l’attrait : chaque fleur, chaque arbre, chaque fruit, outre sa beauté particulière, fait ressortir les qualités des autres et souligne la grâce spéciale de chacun et de tous.14
Les animaux
Le respect de la vie animale fait partie aussi des principes bahá’ís.
…ce n’est pas seulement leurs semblables que les bien-aimés de Dieu doivent traiter avec miséricorde et compassion ; leur bienveillance doit se manifester à l’égard de chaque créature vivante…. Les sentiments sont identiques – que vous infligiez une douleur à un homme ou à une bête…. Formez vos enfants, dès le plus jeune âge, à se montrer tendres et aimants envers les animaux. Si un animal tombe malade, que les enfants s’efforcent de le guérir ; s’il a faim, qu’ils lui donnent à manger ; s’il a soif, qu’ils le désaltèrent et, s’il est épuisé, qu’ils veillent à lui procurer du repos.15
Vous comprendrez pourquoi j’ai choisi, en tant que jeune bahá’í, de dédier ma vie à l’écologie et la conservation de la nature. En clôture, cette petite poésie d’Abdu’l-Bahá capte bien son esprit.
Si ce n’est pas nécessaire,
Ne blesse pas le serpent dans la poussière
Et, pire encore, ne blesse pas un homme.
Si tu le peux,
N’effraie pas la fourmi ;
Surtout, ne frappe pas ton frère.
-
Forum international pour l’environnement ↩
-
Communauté Internationale Bahá’ie (1998), Place et importance de la spiritualité dans le développement ↩
-
Bahá’u’lláh, Les Tablettes de Bahá’u’lláh, p. 148 ↩
-
Bahá’u’lláh, dans J.E. Esslemont, Bahá’u’lláh et l’Ère Nouvelle, p. 47 ↩
-
Bahá’u’lláh, Épître au fils du Loup, para.75 ↩
-
‘Abdu’l-Bahá, Les Bases de l’Unité du Monde, p. 72 ↩
-
‘Abdu’l-Bahá, Sélection des Écrits d’Abdu’l-Bahá, 19, p. 40-41 ↩
-
‘Abdu’l-Bahá à l’Université de Stanford, Californie, 1912, dans H. Balyuzi (1971), ‘Abdu’l-Bahá, Oxford: George Ronald, pp. 288-295, Traduction provisoire ↩
-
‘Abdu’l-Bahá, Lettre d’Abdu’l-Bahá au professeur Auguste Forel, Bruxelles, MEB, 3e éd., 1974, p.13 ↩
-
‘Abdu’l-Bahá, Les leçons de Saint-Jean d’Acre, Paris, PUF, 5e ed., 1982, ch. 1, p.11 ↩
-
‘Abdu’l-Bahá, Les leçons de Saint-Jean d’Acre, Paris, PUF, 5e ed., 1982, chpt. 46, p. 184 ↩
-
‘Abdu’l-Bahá, Sélection des Écrits d’Abdu’l-Bahá, 137, p. 156 ↩
-
‘Abdu’l-Bahá, in Compilation on Huququ’lláh, p. 14-15; Compilation on Social and Economic Development, p. 12 ↩
-
‘Abdu’l-Bahá, Causeries d’Abdu’l-Bahá à Paris, 3e ed., p. 45-46 ↩
-
‘Abdu’l-Bahá, Sélection des Écrits d’Abdu’l-Bahá, 138, p. 158 ↩