Les problèmes de l'environnement et les solutions bahá'íes

Par Arthur Lyon Dahl Ph. D.,Genève, Suisse

Publié dans La Pensée Bahá'íe, Printemps 2008, n° 149/150, p. 18-33



Les problèmes de l'environnement se sont imposés comme des enjeux majeurs de notre époque malgré les efforts des économistes, des responsables politiques et des milieux d'affaires pour les ignorer. On peut penser que des questions scientifiques et techniques telles que l'environnement sont loin des préoccupations spirituelles ou religieuses, mais dans la foi bahá'íe, avec sa perspective holistique de la société, l'environnement a toujours fait partie des composants essentiels de la civilisation mondiale, tant matérielle que spirituelle, dont elle s'efforce de poser des fondations.

L'évolution de la pensée environnementale

Dès le dix-neuvième siècle, les premiers soucis environnementaux étaient la protection des sites spectaculaires naturels dans les parcs et réserves, ainsi que la gestion durable et la restauration des forêts et des zones boisées. Déjà dans les années 1920, un bahá'í, Richard St. Barbe Baker fut un pionnier dans cette matière. Ses efforts pour sauver les arbres et le reboisement en Afrique, en Palestine, et ensuite dans le monde entier ont été encouragés et soutenus par Shoghi Effendi, le Gardien de la foi bahá'íe, qui est devenu le premier membre à vie de son association, les Hommes des Arbres (Men of the Trees) vers 1930.

Ensuite, dès 1962, les problèmes de pollution sont devenus une préoccupation importante, voir par exemple le livre "Silent Spring" de Rachel Carson sur l'impact environnemental des pesticides; puis les marées noires du "Torrey Canyon" en 1967, à Santa Barbara en 1969,  et de l’ "Amoco Cadiz" en 1978. L'explosion de l'usine de Seveso en Italie a révélé le danger des dioxines, et celui de Bopal en Inde a tué des milliers de personnes. Le débat sur le nucléaire est devenu une préoccupation primordiale avec l'explosion de la centrale nucléaire de Tchernobyl. Les effets sur la santé de produits tels que l'amiante et les polluants organiques persistants (POP) ont conduit à leur interdiction.

Avec la première journée de la terre (Earth Day) en 1970, aux États-Unis, la société civile a commencé à réagir.  Ensuite, en 1972, les gouvernements se sont réunis à la conférence de l'ONU sur l'environnement humain à Stockholm à laquelle la Communauté internationale bahá'íe  a également participé. L'étude sur les limites à la croissance publiée par le Club de Rome, en 1972, lança le débat sur les impacts de la forte croissance économique et démographique sur l’épuisement des ressources planétaires et la capacité à maintenir la vie. Pendant quinze ans, son action principale visait la création de ministères de l'environnement et l'adoption de lois et de règlements anti-pollution.

Ce n'est qu'en 1987, avec la Commission de l'ONU sur l'environnement et le développement, présidé par le premier ministre Norvégien Gro Harlem Brundtland, que le débat s'est élargi pour remettre en question la civilisation matérialiste occidentale, qui avec sa consommation excessive des ressources n’avait pas pris en compte la pauvreté dans le monde et n’avait pas pensé aux conséquences pour les générations futures. On parlait alors du développement durable, de la perte de la diversité biologique et du changement climatique.

L'apogée fut la Conférence de l'ONU sur l'environnement et le développement, le Sommet de la Terre à Rio de Janeiro en 1992, où plus de cent chefs d'états et de gouvernements ont adopté l’Agenda 21 (Action 21) prévoyant le plan d'action du développement durable pour le 21ème siècle. Les bahá'ís furent très actifs à Rio et ont pu faire une déclaration à ce sommet.

Malgré quelques progrès enregistrés dans les pays industrialisés, l'environnement mondial a continué à se dégrader, principalement du fait de la domination des intérêts économiques et politiques à court terme ainsi que de la croissance de la population dans les pays sous-développés. Ce n'est que récemment, qu’à cause des signes alarmants du changement climatique, l'environnement est redevenu prioritaire dans les préoccupations des gouvernements.

Perspective bahá'íe sur l'environnement

L'intérêt bahá'í pour l'environnement découle naturellement du principe de l'harmonie entre la science et la religion. «Dans la recherche de la vérité, la science et la religion - les deux systèmes de connaissances à la portée de l'humanité - doivent avoir une influence réciproque, proche et continuelle. La perspicacité et les compétences que représentent les aboutissements scientifiques doivent se tourner vers la puissance des responsabilités spirituelles et des principes moraux, afin d'assurer leur application correcte.» (1)

L’approche de l'environnement doit être à la fois scientifique et spirituelle, ces deux aspects étant complémentaires. «La nature est la volonté de Dieu, elle est son expression dans et à travers le monde contingent.»(2)
«Si... tu considères l'intime essence de toutes choses, et l'individualité de chacune en particulier, tu contempleras les signes de la miséricorde de ton Seigneur dans chaque chose créée, et tu verras les rayons diffus de ses noms et attributs à travers le monde de l'existence....» (3).
On trouve dans les écrits bahá'ís une conception écologique de la nature: «...tous ces êtres innombrables qui peuplent le monde, l'homme, l'animal, le végétal, le minéral, quels qu'ils soient, sont chacun des composés d'éléments; et il n'y a pas de doute que cette perfection de tous les êtres provient de ce que Dieu les a créés par une combinaison d'éléments mélangés en proportions déterminées, de la nature de leur constitution ainsi que de l'interaction des autres êtres. Par conséquent, tous les êtres sont liés les uns aux autres comme les anneaux d'une chaîne; et cette assistance, cette influence réciproques sont de l'essence des choses: elles produisent l'existence, la croissance et le développement des créatures.»  (4)

L'être humain n'est pas indépendant de l'environnement, comme le monde occidental a voulu le croire. «Nous ne pouvons séparer le coeur humain de l'environnement extérieur, et déclarer qu'une fois l'un des éléments corrigés, tout s'améliorera. L'homme fait partie du monde. Sa vie intérieure modifie l'environnement et est à son tour profondément affectée par celui-ci. Leur action est interdépendante et tout changement permanent dans la vie d'un homme résulte de ces réactions mutuelles.» (5)

Il est donc normal que la communauté bahá'íe se soit orientée très tôt vers la protection de l'environnement et la gestion sage de ses ressources. L'illustration parfaite de cet équilibre entre la nature et la spiritualité se trouve dans les jardins autour des lieux sacrés baha'is, sur le Mont Carmel à Haïfa, en Israël. Conçus d'une manière écologique, ils forment, au centre, un cadre de beauté et d’harmonie,  avec, sur les côtés, une transition graduelle vers la flore sauvage de la montagne.

Les origines des problèmes environnementaux

On trouve dans les écrits bahá'ís et les déclarations de la Communauté internationale bahá'íe une condamnation sévère de la société matérialiste qui a accéléré la plupart des graves problèmes de l'environnement d'aujourd'hui. «La culture de consommation, héritière par défaut de l'évangile matérialiste de l'amélioration humaine, ne s'embarrasse pas de la nature éphémère des buts qui l'inspirent. Pour la minorité qui peut se l'offrir, les avantages recueillis sont immédiats et la raison n'est pas un argument. Enhardie par la faillite de la morale traditionnelle, l'avancée du nouveau credo n'est en fait rien de plus que le triomphe d'une impulsion animale, aussi instinctive et aveugle que l'appétit, libérée finalement du frein des sanctions supranaturelles. Des tendances fustigées universellement dans le passé comme défauts moraux sont devenues des nécessités du progrès social. L'égoïsme devient une ressource commerciale appréciée ; le mensonge s'invente un habit d'information publique.... Sous des euphémismes appropriés, l'avidité, la luxure, la paresse, l'orgueil – la violence même – sont largement acceptés, et acquièrent de plus une valeur sociale et économique.» ( 6

Cette consommation excessive des ressources et des énergies fossiles épuise les sols et les ressources en eau, et engendre le changement climatique tout en générant des quantités impressionnantes de déchets.

C'est la civilisation occidentale elle-même, dont la croissance n’a jamais été remise en cause, qui met en danger la capacité de l'environnement à maintenir la stabilité de ses fonctions essentielles. Il y a plus de cent ans déjà, Bahá'u'lláh, fondateur de la foi bahá'íe, nous a averti des dangers d'un développement matériel excessif. «La civilisation, tant vantée par les représentants les plus qualifiés des arts et des sciences, apportera de grands maux à l'humanité, si on lui laisse franchir les limites de la modération....  La civilisation, d'où découle tant de bien lorsqu'elle reste modérée, deviendra, si elle est portée à l'excès, une source aussi abondante de mal....  Le jour approche où elle dévorera de ses flammes toutes les cités du monde.» (7)

Les problèmes de l'environnement ont leur racines dans le système économique qui, avec ses valeurs matérialistes et ses perspectives à court terme, déstabilise le monde actuel. «Autre défi pour la pensée économique : la crise de l'environnement. Il est aujourd'hui, froidement démontré que les théories fondées sur la croyance que la nature possède une capacité illimitée à répondre à toutes les exigences humaines sont fallacieuses. Une culture qui attache une valeur absolue à l'expansion, à l'acquisition et à la satisfaction des besoins se voit confrontée à une évidence : de tels buts ne suffisent pas, en soi, à déterminer une politique cohérente. D'autre part, toute prise de décision pour tenter de résoudre les questions économiques qui ne tiendrait pas compte du fait que la plupart des problèmes importants sont plus mondiaux que locaux, serait tout à fait inadéquate.»

«L'espoir fervent que cette crise morale pourra être résolue, d'une manière ou d'une autre, en déifiant la nature elle-même, n'est qu'un signe évident du désespoir intellectuel et spirituel engendré par la crise. Même si elle est bienvenue, la reconnaissance que la création est un tout organique et que l'humanité a le devoir d'en prendre soin ne suffit pas à influencer la conscience des peuples au point de créer un nouveau système de valeurs. C'est seulement en franchissant un seuil décisif dans la compréhension, à la fois scientifique et spirituelle, que l'espèce humaine aura la force d'assumer les responsabilités que l'histoire lui impose.» (8)

Quelques solutions proposées

Ce n'est pas par la critique qu'on peut résoudre des problèmes environnementaux, même si cela peut nous aider à voir où et comment agir. C'est au niveau des valeurs qu'on trouve l'origine du problème. La Communauté internationale bahá'íe nous montre comment une valorisation spirituelle et scientifique de la nature peut conduire à des solutions très pratiques face à l'environnement. «Les Ecritures Bahá'íes décrivent la nature comme le miroir du sacré. Elles enseignent que la nature doit être valorisée et respectée, mais non pas idolâtrée. Plutôt, elle doit soutenir les efforts de l'humanité pour promouvoir une civilisation à l'avancée perpétuelle. Toutefois, eu égard à l'interdépendance de tous les segments de la nature, et de l'importance de l'évolution et la diversité "dans la beauté, l'efficacité, et la perfection du tout", aucun effort ne doit être ménagé afin de conserver à la terre sa bio-diversité et son ordre naturel.»

«En tant que tributaires, ou régisseurs des vastes ressources et de la diversité biologique de la planète, l'humanité doit apprendre à exploiter les ressources naturelles de la terre, qu'elles soient renouvelables ou non, d'une manière qui en assure le caractère durable et équitable jusque dans un avenir lointain. Cette régie exigera une connaissance pleine et entière des conséquences écologiques possibles, afférentes à toute activité humaine. Elle obligera l'humanité à tempérer ses actions avec de la modération et de l'humilité, se rendant compte que la vraie valeur de la nature ne peut s'exprimer en termes économiques. Elle exigera aussi une profonde compréhension du monde naturel et de son rôle dans le développement collectif de l'humanité - aussi bien matériel que spirituel. Ainsi, l'exploitation d'un environnement durable doit être considérée non pas comme une responsabilité discrétionnaire, que l'humanité peut peser contre d'autres intérêts en lice, mais plutôt comme une obligation fondamentale qui doit être assumée - une condition préalable au développement spirituel ainsi qu'à la survie physique de l'individu.»  (9)

Ainsi inspirés, de nombreux bahá'ís se sont efforcés de chercher des solutions aux problèmes de l'environnement dans leur région. A Vanuatu, il y a quelques années déjà, un mécanicien bahá'í a trouvé le moyen de remplacer l'huile diesel importée par l'huile de coco locale, plus économe et moins polluante dans les véhicules. au Tchad, une association d'inspiration bahá'íe enseigne des méthodes de développement durable afin de restaurer la pêche en rivière.  A Fidji, un biologiste bahá'í a formé les femmes des villages côtiers dans la plantation des coraux, pour restaurer les récifs coralliens dont elles dépendent pour la pêche. D'autres bahá'ís ont fait carrière dans les domaines liés à l'environnement, et ont créé une association d'inspiration bahá'íe, le Forum international pour l'environnement (https://iefworld.org/) avec des membres dans une cinquantaine de pays.

On peut également citer, parmi les programmes de développement durable initiés par les communautés baha’ies à travers le monde, celui du «Barli Institute» dans l’état du Madhya Pradesh, en Inde.
Ce programme de formation s’adresse spécifiquement aux jeunes femmes des régions rurales, et son but est de développer chez elles une conscience environnementale. Ces jeunes femmes sont considérées comme des actrices-clés pour promouvoir un profond changement social, pas seulement en termes de pratiques protégeant l’environnement, mais aussi dans le domaine de la santé, de la nutrition, de l’éducation et du développement moral.

Ce qui prime dans le fonctionnement de cet institut est l’éducation et la formation des femmes, qui sont essentielles pour le progrès de la société. En effet, les femmes sont les premières éducatrices de leurs enfants et cette éducation influence l’esprit et la conduite de la nouvelle génération, aussi bien des hommes que des femmes.

Etablie en 1985 cette institution, bahá’íe à l’origine et dédiée aux femmes en milieu rural, est devenue une entité indépendante en septembre 2001 avec son propre conseil d’administration, en prenant le nom d’Institut Barli pour le développement des femmes en milieu rural.

L’objectif de cet institut est que les jeunes femmes, renforcées par leur formation en lecture et écriture, en nutrition, en conservation, en hygiène, ainsi qu’en génération de revenus, retournent dans leurs villages et deviennent des piliers pour leurs familles et communautés. Elles sont ainsi actrices du changement social et physique de leur environnement. Le mot «Barli» est le terme local qui désigne le pilier central de la maison, il a été choisi comme nom pour l’institut.

Malgré le changement de nom, le programme de l’institut est encore inspiré par les principes bahá’ís qui mettent l’accent sur l’égalité des droits des femmes et des hommes, et qui défendent vigoureusement les mesures favorisant l’éducation des jeunes filles et des femmes. Depuis 17 ans, l’institut en a formé plus de 1500.

Les programmes sont entièrement libres, et les formateurs sont originaires des tribus des districts du Madhya Pradesh. C’est une région marquée par une pauvreté chronique et par la malnutrition, dues en partie à des mauvaises récoltes et à des sécheresses fréquentes, à la diminution de l’eau potable ainsi qu’à un sol peu arable. Beaucoup de ces problèmes ont été accentués par la déforestation, causée en partie par la recherche de bois de chauffage, et l’érosion qui s’ensuit.

Au milieu des années 1980, l’institut commença à utiliser des marmites solaires pour sa propre cuisine et à promouvoir leur utilisation dans les villages qu’il desservait. En 1998, une première installation de cuisson solaire de plus grande dimension (parabole de 7,5m de diamètre) fut mise en place dans l’institut, et une deuxième en 2000. Ces larges réflecteurs, conçus par le spécialiste allemand en énergie solaire Wolfgang Scheffler, ont servi de modèles pour le développement de la technique de cuisson à l’énergie solaire à l’institut et à ses étudiantes. Il en est ressorti un modèle permettant d’accumuler et de mettre en réserve la chaleur afin d’assurer la capacité de cuisson à toute heure.

Ce modèle a permis à l’institut de faire la cuisine toute l’année avec l’énergie solaire et progressivement à mettre en place de telles installations dans les villages de la région desservie par ce dernier. Pour garantir une bonne utilisation de ces installations, l’institut donne une formation aux jeunes femmes utilisatrices, et leur demande une participation de 10% aux coûts, le reste étant pris en charge par deux organisations non-gouvernementales autrichiennes.

En effet, la formation des indigènes à l’utilisation des nouvelles technologies est une action très importante dans les zones rurales, car trop souvent les nouveaux équipements sont abandonnés et mis hors d’usage s’ils ont été introduits dans ces milieux sans instruction et formation adéquates.

La présence et les activités de l’institut sont très importantes pour les projets de développement durable; le processus de formations commence lorsque les jeunes étudiantes arrivent et voient comment les besoins propres de l’institut en légumes sont produits sur place, et que la majeure partie des repas est cuisinée grâce aux fours solaires à large réflecteur qui y sont installés. Le procédé est bien accueilli par la population, et commence à se répandre dans la région. Les initiateurs ont bon espoir de contribuer à l’arrêt de la déforestation, qui a été une plaie pour leur district.

L’usage de l’énergie solaire n’est pas le seul élément de conservation environnementale enseigné par l’institut. Les étudiantes apprennent que préserver l’environnement est une responsabilité spirituelle et un service vital à la communauté. Elles sont formées à planter des arbres et à les soigner, à trouver de nouvelles méthodes pour la récolte des graines. Elles apprennent également à utiliser d’autres moyens naturels de conservation et d’économie d’énergie tels que: le compostage, la vermiculture, l’utilisation de produits biodégradables et la gestion des déchets ménagers.

D’autre part, une refonte des buts du système économique serait un pas essentiel vers une meilleure gestion de l'environnement. «Des ressources allouées à des agences ou programmes ayant des effets néfastes sur l'individu, les sociétés et l'environnement doivent être redistribuées et dirigées vers ceux plus à même de favoriser un ordre social dynamique, juste et prospère. De tels systèmes économiques seront de nature fortement altruiste et coopérative ; ils fourniront des emplois utiles et aideront à l'éradication de la pauvreté dans le monde.» (10)

Parmi les efforts des baha'is dans ce domaine, citons l’European Bahá'í Business Forum (http://ebbf.org), dont les membres oeuvrent pour un monde des affaires plus responsable et plus durable.

Pour l'individu, un changement des valeurs est aussi nécessaire. Au lieu de se faire manipuler pour la consommation à outrance, on peut donner plus de priorité à des valeurs sociales et spirituelles qui procurent un bonheur plus durable. Le principe de modération s'applique aussi bien aux individus qu'à la société. Comme Bahá'u'lláh a dit, celui qui cherche la spiritualité «doit se contenter de peu, et ne jamais demander plus qu'il n'a.» (11)

Si chacun partageait cet état d'esprit, il y aurait suffisamment de ressources planétaires pour tous. Mais pour y parvenir,  il faut l'éducation pour un développement durable. Dans ce domaine aussi, beaucoup de bahá'ís se sont lancés. Irma Allen de Swaziland a gagné un prix de l'ONU pour ses activités dans l'éducation pour l'environnement en Afrique. La communauté bahá'íe de la Nouvelle-Calédonie a organisé des camps d'éducation à l'environnement pour les jeunes. En Amérique latine, où les programmes d'éducation d'inspiration bahá'íe sont très avancés, l'éducation aux valeurs morales et à une vie rurale durable est fondamentale.

Il est évident que le changement climatique, la protection de la couche d'ozone, la sauvegarde de la biodiversité, la pollution transfrontalière ne peuvent être traités qu'au niveau international. Donc, des mécanismes de gouvernance internationale pour l'environnement doivent être mis en place. Leur bon fonctionnement dépendrait également des valeurs sur lesquelles ils seraient fondés. «La justice est la seule force qui puisse transformer la conscience naissante de l'unité de l'humanité en une volonté collective capable d'ériger sereinement les structures nécessaires à une vie communautaire mondiale. A une époque où il est de plus en plus facile aux peuples du monde d'avoir accès à une information multiforme et à une grande diversité d'idées, la justice s'imposera comme le principe directeur d'une organisation sociale réussie. Il faudra de plus en plus souvent soumettre le projet de développement de la planète à l'éclairage impartial de ses normes....».

«Le souci de justice protège la tâche de définir le progrès de la tentation de sacrifier le bien-être de la majeure partie de l'humanité - voire de la planète elle-même - au nom de progrès technologiques dont les retombées ne bénéficient qu'à des minorités privilégiées. En matière de conception et de planification, il empêche que des ressources limitées ne soient détournées au profit de projets étrangers aux priorités économiques et sociales essentielles d'une communauté. Mais surtout, seuls les programmes de développement susceptibles de satisfaire les besoins de l'humanité et dont les objectifs sont considérés justes et équitables auront des chances de gagner l'adhésion de masses dont dépend leur mise en oeuvre.» (12

Les efforts énormes qui doivent être entrepris pour diminuer les effets du changement climatique exigent un partage juste des coûts et des bénéfices. Le refus actuel de certains pays d'accepter leur part de responsabilité a beaucoup ralenti l'action nécessaire. Le fait que les pauvres vont subir les conséquences les plus sévères qu’ils aient peu ou pas du tout contribué au problème, soulève aussi des questions éthiques fondamentales. La Communauté internationale bahá’í'e a attiré l'attention des gouvernements sur ses questions en organisant  un débat sur «les dimensions éthiques du changement climatique» à l'ONU pendant la Commission du développement durable en mai 2007. Les deux dernières conférences annuelles du Forum international pour l'Environnement à Oxford et Ottawa ont aussi abordé la question du changement climatique.

Les bahá'ís ont une vision très claire des institutions mondiales qui permettraient une bonne gestion de l'environnement planétaire. «L'unité de la race humaine telle que la conçoit Bahá'u'lláh implique l'établissement d'une communauté universelle où toutes les nations, races, classes et croyances seront étroitement et définitivement unies, où l'autonomie des États-membres et la liberté personnelle, ainsi que l'initiative des individus seront définitivement et intégralement sauvegardées. Cette communauté, pour autant que nous puissions l'imaginer, comportera une législature universelle dont les membres, en tant que représentants de la race humaine, auront le contrôle suprême de toutes les ressources des nations qui la composeront, et édicteront les lois nécessaires pour régler la vie de tous les peuples et de toutes les races, pour répondre à leurs besoins et harmoniser leurs relations.... Les ressources économiques du monde seront organisées, toutes les sources de matières premières seront exploitées à plein rendement, tous les marchés coordonnés et développés, et la distribution des produits équitablement réglée.... Un système de fédération universelle qui régira la terre entière et exercera sur ses ressources, d'une ampleur inimaginable, une autorité à l'abri de toute discussion; un système qui... tendra à l'exploitation de toutes les sources d'énergie disponibles à la surface de la planète..., tel est le but vers lequel les forces unifiantes de la vie poussent l'humanité.» (13)

Les problèmes de l'environnement sont symptomatiques de la désunion d'un monde où les gouvernements s'accrochent à la souveraineté nationale et où «le dogmatisme matérialiste, après avoir pénétré et maîtrisé les centres de pouvoir et d'information à l'échelle mondiale, fit en sorte qu'aucune voix rivale ne puisse mettre en cause les projets de l'exploitation économique mondiale.» (14)

L'expérience des trente dernières années montre que les connaissances scientifiques des défis environnementaux ne suffisent pas à changer le comportement des gouvernements ou des individus. Il faut agir au niveau des valeurs pour que le coeur et la tête soient en harmonie. Ce n'est qu'en construisant une civilisation à la fois matérielle et spirituelle, telle qu'elle est préconisée par la foi bahá'íe, que nous pourrons résoudre les problèmes de l'environnement et éviter une catastrophe planétaire.


Notes

(1)    Communauté internationale bahá'íe, 1998. Place et importance de la spiritualité dans le développement
(2)    Bahá'u'lláh, Les Tablettes de Bahá'u'lláh, p. 148
(3)    'Abdu'l-Bahá, Sélection des Écrits d''Abdu'l-Bahá, 19, p. 40
(4)    'Abdu'l-Bahá, Les leçons de Saint-Jean d'Acre, Paris, PUF, 5e éd., 1982, chpt. 46, p. 184
(5)    Le secrétaire de Shoghi Effendi, extrait d'une lettre du 17 février 1933 à un croyant
(6)    Communauté internationale bahá'íe, 2005. Une seule et même Foi, p. 7
(7)    Bahá'u'lláh, Extraits des Ecrits de Bahá'u'lláh, 163, p. 225
(8)    Communauté internationale bahá'íe, 1995, Vers une humanité prospère
(9)    Communauté internationale bahá'íe, 1998. Place et importance de la spiritualité dans le développement
(10) Communauté internationale bahá'íe, 1998. Place et importance de la spiritualité dans le développement
(11) Bahá'u'lláh, Le Livre de la Certitude (Kitáb-i-Iqán) p. 107
(12) Communauté internationale bahá'íe, Vers une humanité prospère, 1995
(13) Shoghi Effendi, L'Ordre mondial de Bahá'u'lláh, p. 197-199
(14) Communauté internationale bahá'íe, 2005. Une seule et même Foi, p. 3


Published on line by International Environment Forum: https://iefworld.org/ddahl08b.htm


Return to Bibliography page